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Une histoire de la Solidarité Olympique

Release Date: 03 Nov 2022

03 nov. 2022 - Directeur de la Solidarité Olympique durant une période cruciale de son histoire, Pere Miró explique à la Revue Olympique comment, après des débuts modestes, le programme a pris de l’ampleur pour devenir une pierre angulaire du Mouvement olympique.

Si vous souhaitez retracer l’histoire et le développement de la Solidarité Olympique (SO), vous aurez du mal à trouver quelqu’un qui fasse plus autorité sur la question que Pere Miró.

Ce dernier occupe en effet une place centrale dans l’essor du programme depuis son arrivée au Comité International Olympique en 1992, à la demande du président de l’époque, Juan Antonio Samaranch.

On lui a confié la direction du département de la Solidarité Olympique, puis celle du département des Relations avec les Comités Nationaux Olympiques. Durant cette période, le budget de la SO a augmenté de manière considérable, et le CIO a tissé des relations encore plus étroites avec les CNO.

Si Pere Miró a démissionné de ce poste en 2019, il a continué à jouer un rôle essentiel en tant que directeur général adjoint pour les relations avec le Mouvement olympique, jusqu’à sa retraite cette année. Aujourd’hui, après 30 riches années au sein du CIO, Pere Miró peut se pencher fièrement sur son héritage et par extension sur celui de la Solidarité Olympique, qui n’en finit pas de s’étoffer.

Le Comité d’Aide Internationale Olympique (CAIO), l’ancêtre de la Solidarité Olympique, a été créé en 1962, à une époque où de nombreuses nations accédaient à l’indépendance, si bien que de nouveaux CNO ont rejoint le Mouvement olympique. Qui a identifié le besoin de leur venir en aide et comme cela s’est-il passé?

Pere Miró: On peut diviser l’histoire de la Solidarité Olympique en trois parties. La première s’étend de 1962, année de sa création, à 1980. Quand la SO a été créée, elle n’avait absolument pas d’argent. Elle était pétrie de bonnes intentions, mais sans véritable budget. Mais le concept existait. La seconde partie a duré de 1980 à 1997, alors que le CIO était présidé par Juan Antonio Samaranch. Il a commencé à s’intéresser à la SO et a décidé de lui donner de l’importance concrètement par l’intermédiaire des revenus générés par les Jeux Olympiques de Los Angeles 1984. Il a investi une partie de l’argent issu des droits de télévision aux Jeux dans la SO, si bien que le programme a commencé peu à peu à accumuler des fonds.

Durant cette période également, Anselmo López a été nommé directeur de la Solidarité Olympique sur la base du volontariat. Il a contribué à la transformer en ce qu’elle est devenue aujourd’hui, car il a décidé de lui consacrer davantage d’argent. Sa vision reposait sur deux idées-forces: d’abord, apporter une aide financière aux CNO participant aux Jeux, et ensuite, soutenir les athlètes eux-mêmes. C’est lui qui a créé le concept de bourses pour athlètes qui est toujours en vigueur. La pratique consistant à donner de l’argent aux athlètes pour qu’ils puissent préparer les Jeux et financer leurs frais de voyage remonte à cette époque. C’est durant cette deuxième partie de l’histoire de la SO que ses finances ont commencé à augmenter.

On doit aussi à Anselmo López la gestion de la Solidarité Olympique sur une base quadriennale, d’une édition des Jeux à la suivante. Durant la dernière période quadriennale sous son mandat de directeur de Barcelone 1992 à Atlanta 1996, la SO a reçu 60 millions USD, à comparer aux 4 millions USD dont elle disposait quand Anselmo López l’a rejointe dans les années 1980.

La troisième période a commencé en 1997, lorsque la Solidarité Olympique a décidé de commencer à offrir une gamme plus large de programmes dont la structure est très proche de l’actuelle. Anselmo López a démissionné et j’ai eu l’honneur d’être nommé par le président Samaranch nouveau directeur de la Solidarité Olympique. Lors de la première période quadriennale, entre Atlanta 1996 et Sydney 2000, le budget était passé à 121 millions USD.

Du fait de cette augmentation financière, il a fallu structurer différemment la SO car les CNO dépendaient tous de cet argent pour les divers programmes auxquels ils faisaient appel. Nous avons donc commencé à prendre une nouvelle orientation: de l’octroi du minimum vital aux CNO et aux athlètes préparant les Jeux comme dans les précédents plans quadriennaux, nous en sommes venus à soutenir un nombre encore plus important de programmes s’adressant à l’ensemble du Mouvement olympique.

Au cours de la période quadriennale 1997-2000, nous avons mis en place les piliers de la Solidarité Olympique qui existent toujours aujourd’hui. Le premier pilier concerne l’aide aux athlètes, le second soutient les entraîneurs, le troisième aide les CNO à gérer leur administration interne et le quatrième les assiste pour développer les valeurs olympiques. Nous gardons toujours en réserve une enveloppe financière pour aider les CNO à assister physiquement aux Jeux, mais cela est devenu moins nécessaire car à Sydney 2000, le comité d’organisation a payé pour la première fois leurs frais de voyage. À partir de ce moment, le CIO n’a plus été obligé de payer les voyages puisque les comités d’organisation ont pris le relais. La SO gardait quand même quelques réserves pour financer la logistique et d’autres domaines essentiels – comme c’est toujours le cas – mais c’était encore le comité d’organisation qui payait pour les CNO, les athlètes et le village olympique. Auparavant, ces besoins de base étaient pris en charge par le CIO et la SO. Puisque les comités d’organisation ont pris à leur compte les obligations financières qui étaient auparavant assurées par la SO, nous avons pu mettre en place ces quatre piliers et élargir notre action à l’ensemble du Mouvement olympique.

Une histoire déjà longue

Vous avez évoqué la façon dont la Solidarité Olympique s’est développée depuis sa création en 1962. Que pouvez-vous dire des réformes structurelles et des principes clés qui ont appuyé ce développement?

Pere Miró: À l’époque de Juan Antonio Samaranch, nous avons commencé à nous intéresser à l’offre globale des Jeux. Tous les revenus qui rentraient à cette époque, notamment les droits de télévision et le marketing, étaient bien moins importants qu’aujourd’hui. Ces revenus ont augmenté grâce à d’autres sources et le président Samaranch a donc décidé de consacrer une partie de ces revenus aux comités d’organisation afin de garantir la tenue des Jeux. Nous devions en effet être certains qu’ils soient en mesure de le faire.

Dans les années 1980, les fonds étaient généralement redistribués aux CNO et aux Fédérations Internationales. Au lieu de verser l’argent directement aux CNO, Juan Antonio Samaranch a confié la gestion de ces fonds à la SO, avec l’idée qu’il fallait donner davantage d’argent aux CNO qui en avaient le plus besoin. Les CNO qui avaient accès à des sources de financement alternatives pouvaient également bénéficier du soutien de la SO, mais ils n’étaient pas prioritaires.

Aujourd’hui, et plus particulièrement au cours des quinze dernières années, la Solidarité Olympique explique très clairement et de manière précise comment ses fonds sont distribués aux CNO. Même si la répartition financière n’est pas égale, les CNO sont satisfaits car ils savent que la SO propose un service qu’ils ne pourraient pas assurer eux-mêmes. La Solidarité Olympique est la somme d’une multitude d’actions individuelles distinctes. Prenons l’exemple d’une bourse pour un athlète s’élevant à 15 000 USD à la fin du cycle quadriennal. Si on songe au nombre d’athlètes qui bénéficient de l’aide de la SO, cela représente des milliers d’actions minuscules. C’est la clé du système: les CNO ont besoin de cet argent et nous fournissons le service. Même si la Solidarité Olympique a beaucoup changé depuis mon arrivée, notamment les fonds disponibles, ce concept fondamental est resté peu ou prou le même. Grâce à cette approche, nous disposons des meilleures conditions pour mettre en oeuvre d’autres principes essentiels comme la bonne gouvernance et la gestion financière saine.

À quels changements majeurs avez-vous assisté durant les années que vous avez passées à la tête de la Solidarité Olympique?

Pere Miró: Quand j’ai rejoint la Solidarité Olympique, il y avait déjà eu beaucoup de changement. La Yougoslavie et l’URSS avaient été dissoutes, ce qui signifie qu’il y avait un très grand nombre de CNO qui n’existaient pas en 1992.

Durant les Jeux de cette année-là à Barcelone, Juan Antonio Samaranch s’est rendu compte que le CIO n’avait aucune idée de ce qui se passait en termes de préparation, car il n’existait pas de département dédié aux Jeux. Tout transitait par la commission de coordination, qui se rendait à Barcelone une fois tous les six mois et qui en référait après coup au CIO, en lui expliquant alors ce qu’elle voulait. Mais comme Samaranch était Barcelonais, il avait son propre réseau et il savait pertinemment ce qui se passait, ce qui allait bien et ce qui ne fonctionnait pas. Il s’est rendu compte que les informations qu’il avait obtenues par son propre réseau étaient différentes de celles que lui avait communiquées la commission de coordination. C’est pourquoi il a décidé qu’il fallait gérer totalement ces comissions. Dans la foulée, nous avons commencé à réfléchir à la création au sein du CIO d’un département chargé d’aider la commission de coordination, de définir le rôle exact de cette commission et à ce qu’il fallait faire pour que ses visites dans les villes hôtes soient mieux préparées.

Le département des Jeux était né.

Après m’avoir nommé directeur de la Solidarité Olympique, Samaranch m’a demandé de créer un nouveau département chargé des Relations avec les Comités Nationaux Olympiques et d’en faire autre chose qu’une simple boîte aux lettres contenant les adresses e-mail des présidents des CNO. Nous avons donc mis en place une philosophie des droits et des devoirs entre le CIO et les CNO par l’intermédiaire de la SO. Cela signifiait que si les CNO avaient le droit d’accéder aux financements de la SO, ils avaient également l’obligation de dépenser l’argent de façon responsable et de rendre compte de son utilisation.

Nous avons également compris que tous les CNO n’avaient pas besoin du financement de la Solidarité Olympique. À l’époque, il y avait environ 150 CNO, dont 135 à 140 avaient besoin de cet argent, tandis qu’une poignée d’entre eux pouvait s’en passer. Avec l’aide du département des Relations avec les Comités Nationaux Olympiques, nous avons collaboré avec ces CNO pour identifier les services que la SO pouvait leur offrir au-delà du soutien financier. Tout s’est emboîté à merveille: d’un côté il y avait les CNO qui avaient besoin d’argent, de l’autre ceux qui avaient besoin de certains services et finalement, tous ont travaillé en harmonie avec le CIO dans l’esprit des droits et des devoirs.

Comment voyez-vous le rôle du sport dans notre monde de plus en plus chaotique et divisé?

Pere Miró: Le sport joue un rôle primordial dans nos sociétés actuelles. Pour être tout à fait honnête, je dois reconnaître qu’en 1992, ce qui nous importait en tant qu’organisateurs, c’était l’impact que les Jeux allaient avoir au niveau local. Nous voulions aussi offrir aux athlètes une scène unique pour concourir, et proposer un spectacle magnifique au monde entier.

Aujourd’hui, l’accent est mis davantage sur la façon dont les Jeux et le sport peuvent contribuer à l’amélioration de la santé, au respect de l’environnement et à la promotion de l’égalité des sexes. L’approche a beaucoup changé. Au final, la vision de Pierre de Coubertin qui était d’utiliser le sport pour bâtir un monde meilleur est plus que jamais d’actualité. En 30 ans, j’ai également pu constater le pouvoir de reconstruction du sport dans des pays ravagés par la guerre. J’ai vu ce que le sport a apporté aux femmes et aux hommes de Bosnie, du Timor-Leste et d’Afghanistan. Nous nous devons de croire en ce pouvoir aujourd’hui plus que jamais.

Selon vous, quel rôle vont jouer la Solidarité Olympique et globalement le CIO dans le domaine de l’aide humanitaire dans les années qui viennent?

Pere Miró: Le financement de la Solidarité Olympique appartient à tous les CNO et il n’est donc pas possible de prélever un montant important du budget – disons 20 ou 30 % – et de le consacrer à autre chose. Les CNO comprennent aujourd’hui ce système et ils comptent sur ce soutien financier d’une période quadriennale à la suivante. Toutefois, le CIO, à titre global, peut certainement servir de catalyseur au soutien et donner l’exemple en demandant aux CNO, aux FI, aux gouvernements et aux donateurs d’apporter leur soutien.

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