24 juil. 2023 - Dans un an, la France et Paris accueilleront pour la troisième fois les Jeux Olympiques d’été et rejoindront en cela Londres (1908, 1948 et 2012) et précéderont Los Angeles (1932, 1984 et 2028).
Par Alain Lunzenfichter
Depuis les Jeux de Paris de 1900, mais aussi 1924, cette grande fête du sport a bien changé et aujourd’hui l’organisation de cet événement n’a plus rien à voir avec celle de 1924. Le retentissement des Jeux Olympiques au début du siècle dernier est sans commune mesure avec celui que nous lui connaissons au XXIe siècle. Tout simplement parce que le monde a changé, le sport a changé, le CIO a changé, ce qui implique que les Jeux Olympiques ont changé. Les chiffres sont là et nous montrent que nous ne sommes plus dans le même univers, la même planète sportive.
Ce qui, en 1924, était un événement encore à ses balbutiements représente aujourd’hui l’équivalent de trente-deux championnats du monde en même temps et, pour la grande majorité, dans la même ville. Une organisation qui se contentait jadis des installations d’un club, le Racing Club de France, certes l’un des plus grands au monde, nécessite aujourd’hui de multiples installations qui ne peuvent être mises en place qu’à l’échelle d’un pays. Si Paris 1924 avait été la première organisation olympique à construire un village olympique, un certain nombre de participants vivaient à l’hôtel. Paris 2024 va mettre en place un village olympique qui va recevoir plus de 15 000 personnes.
Pourtant, le site le plus important des Jeux Olympiques de 1924, le stade de Colombes, aura à nouveau le privilège d’accueillir un sport un siècle plus tard: le hockey sur gazon. Ayant fait l’objet de travaux de modernisation, le stade Yves-du-Manoir constituera un héritage des Jeux puisqu’il abritera le siège de la Fédération Française de Hockey (sur gazon).
Des chiffres impressionnants
Tous les chiffres qui semblaient impressionnants au lendemain de la Première Guerre mondiale sont aujourd’hui décuplés. Les Jeux Olympiques, antre de l’amateurisme pur et dur, sont passés au professionnalisme triomphant et se sont mondialisés. En 1924, les athlètes venaient de 45 pays dont 27 européens. En 2024, le Vieux Continent ne sera plus majoritaire sur les nations qui viendront dans la Ville lumière pour en découdre. Avec 10 500 concurrents, nous serons également loin des 3 089 de 1924.
Changement majeur, la participation féminine (135 femmes en 1924*) va évoluer l’an prochain sur les sites des compétitions. L’Agenda olympique 2020, mis en place en 2014 lors de la Session de Monaco, a fortement changé la donne car pour la première fois de l’histoire, une parité parfaite sera de mise aux Jeux Olympiques de Paris 2024. 5 250 hommes et autant de femmes disputeront les 32 sports et les 329 épreuves. Depuis un siècle, les possibilités de voyage ont elles aussi décuplé et se sont mondialisées. Ce qui change bien des choses au niveau de la participation des spectateurs à l’événement. En 1924, on a compté quelque 600 000 spectateurs pendant toute la durée des Jeux et il est impossible de savoir combien d’étrangers étaient à Paris du 5 au 27 juillet 1924. Cette fois, presque dix millions de billets sont en vente à un public du monde entier. Ce chiffre atteint les 13,5 millions si l’on compte les Jeux Paralympiques qui n’existaient pas en 1924.
Pourtant, ce qui a le plus révolutionné l’ampleur des Jeux Olympiques, c’est la montée en puissance des médias. Durant des dizaines d’années, seuls la presse écrite et les photographes ont dominé le marché. L’avènement de la radio offre à l'Olympisme une occasion de faire entendre sa voix dès 1924… Ainsi naît le suspense, le rêve: «la voix aide à voir».
Depuis, la télévision a donné aux Jeux ses lettres de noblesse. Si le nombre de journalistes n’était que de 685 en 1924 – avec de rares femmes – plus de 25 000 médias (majoritairement de télévision) seront présents l’an prochain et les Jeux, retransmis sur plus de 220 pays et territoires, entreront dans tous les foyers de la planète. Là réside leur succès. Pour tout dire, alors que les Jeux Olympiques de 1924 se limitaient au public français, ceux de Paris 2024 se dérouleront sous le regard du monde. Autre changement majeur, un village va également être construit à l’intention des médias à quelques encablures de l’aéroport de Paris-Le Bourget et du Stade de France.
À un siècle d’écart, l’événement n’a plus rien à voir. Il y a 100 ans, il s’agissait simplement d’une réunion sportive mondiale. Aujourd’hui, pendant la dizaine d’années entre la phase de candidature et le début des Jeux, on travaille à ce que chaque Français se sente concerné par l’organisation. Paris 2024 n’est pas un privilège uniquement réservé à la capitale, c’est également celui de la France entière puisque plusieurs autres villes de l’Hexagone auront l’apanage d’accueillir des épreuves. Marseille, Châteauroux, Lille et même Tahiti seront le cadre de compétitions olympiques, bien que ce soit à Paris et dans sa région que se déroulera la majorité des épreuves.
Dès le lendemain de la remise du drapeau olympique à la ville de Paris, une traversée de la France a été entreprise par une équipe de Paris 2024 avec trois drapeaux: les anneaux olympiques, les agitos paralympiques et, bien sûr, l’emblème de l’organisation. Cette première marche n’était qu’un premier étage de la fusée olympique, le deuxième étant la mise en place de «Terre de Jeux 2024». Ce label permet de mettre en contact les différents acteurs du sport, des Fédérations Nationales aux acteurs à l’échelle locale mais aussi les ambassades françaises, pour favoriser la création de projets communs et donner une dimension nationale aux Jeux.
C’est la volonté de Tony Estanguet: «J’ai envie que, grâce à ces Jeux, on renforce la place du sport dans la société. Pour cela, il faut associer l’ensemble des territoires parce que les “bras armés” de “plus de sport dans ce pays”, ce sont toutes les petites collectivités, là où on a tous commencé.»
Les Journées olympiques du 23 juin étaient également mises en place afin d’encourager l’appétence des Français pour le sport et les Jeux. De grands champions étaient présents pour partager leur passion et échanger avec leur public et les participants ont pu vibrer devant des démonstrations. Par ailleurs, «Terre de Jeux 2024» a organisé un relais mondial sur 24 heures lequel a débuté en Nouvelle- Zélande et s’est achevé à Tahiti pour célébrer le compte à rebours des 500 jours avant les Jeux Olympiques de Paris 2024.
Un demi-million de spectateurs pour la cérémonie d’ouverture
Sortie de son cadre historique, à savoir le stade olympique, la cérémonie d’ouverture des Jeux Olympiques de Paris marquera une rupture avec les précédentes éditions. Sa direction a d’ailleurs été confiée à Thomas Jolly – directeur du Quai à Angers, remarqué pour sa saga de dix-huit heures tirée de l’oeuvre de Shakespeare Henry VI au théâtre de l’Odéon et d’une nouvelle version de Starmania – qui va embraser la Seine. Paris 2024 casse les codes de la compétition sportive en faisant entrer le sport dans la ville, il en sera de même pour la cérémonie d’ouverture.
Ainsi, entre le pont d’Austerlitz et le Trocadéro, où le final des spectacles et celui des cérémonies protocolaires se dérouleront, le défilé des athlètes aura lieu sur six kilomètres le long de la Seine et sur 140 à 170 barges dédiées aux délégations nationales. De nombreuses caméras permettront aux téléspectateurs d’être au plus près des athlètes. Alors que généralement une cérémonie d’ouverture regroupe environ 60 000 spectateurs, ils seront au moins huit fois plus sur les bords de la Seine, dont plus de 80% pourront assister gratuitement à l’événement. Quatre-vingts écrans géants, disposés dans tout Paris, permettront au plus grand nombre de suivre la cérémonie en direct.
Et où placera-t-on la vasque olympique afin qu’elle soit embrasée par la flamme et reste allumée tout au long des Jeux? Thomas Jolly a bien sa petite idée: «Ce qui serait beau, ce serait de la laisser sur l’eau, comme une bougie flottante. Mais il faut que la flamme soit grosse, qu’elle ressemble au logo et qu’elle puisse être mobile. La ville deviendra le décor vivant d’un moment d’exception, les différents tableaux d’un spectacle mettront en scène les monuments, ponts et établissements culturels qui bordent la Seine.»
Si les Jeux attireront des spectateurs du monde entier, il y aura également des endroits où suivre les compétitions pour ceux qui n’auront pas réussi à obtenir de billets d’entrée pour les différents stades: les fameuses fan zones qui, bien entendu, n’existaient pas en 1924; mais surtout le parc de la Villette où sera implanté le «Club France», l’un des sites de célébration officiels à l’été 2024, et où seront proposées 200 heures de retransmissions en direct. Le parc pourra, chaque jour, accueillir entre 50 000 et 100 000 personnes. Une ambiance extraordinaire, c’est certain.
Organiser des Jeux festifs a toujours été la ligne directrice de Paris, et ce dès la phase de candidature. Des Jeux qui sortent de l’ordinaire et pour lesquels les monuments de Paris et de sa proche banlieue serviront d’écrin pour certaines compétitions. Le sport investi complètement la Ville lumière avec, par exemple, l’escrime et le taekwondo au Grand Palais, le beach volley à la tour Eiffel, la partie natation du triathlon dans la Seine, l’équitation et le pentathlon moderne au château de Versailles. Et pour les plus jeunes des concurrents, l’organisation a décidé que les sports urbains devaient sortir et s’épanouir hors des stades traditionnels, au coeur de la ville. Durant pratiquement toute la durée des Jeux, du 27 juillet au 10 août, la place de la Concorde sera le cadre du BMX freestyle, du breaking, du skateboard et du basketball 3×3.
L’athlétisme et le cyclisme, deux sports majeurs des Jeux, seront, pour la première fois de l’histoire olympique, ouverts au public qui pourra ainsi dire «j’ai participé aux Jeux Olympiques». Le marathon sera l’une de ces deux épreuves. Un marathon révolutionnaire et symbolique puisqu’il s’inscrit dans l’histoire de France. Il s’agit d’un aller-retour entre Paris et Versailles. En effet, les 5 et 6 octobre 1789, la capitale est touchée par la disette lorsque 6 000 à 7 000 femmes réclamant du pain partent de l’Hôtel de Ville de Paris et marchent ensemble jusqu’à Versailles pour manifester leur détresse auprès de Louis XVI et exiger des réformes, ce qui aboutira à la ratification de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen, et au retour du roi aux Tuileries.
Le parcours intra-muros parisien permettra également aux coureurs de voir l’opéra Garnier et la pyramide du Louvre. Pour lancer l’événement, le double champion olympique de la distance Eliud Kipchoge (Kenya) était venu dans la capitale. Un 10 km sera également proposé pour ceux qui ne se sentiraient pas assez entraînés pour affronter les 42,195 km du marathon. L’autre épreuve populaire sera une course cycliste qui se déroulera au parc de la Courneuve, non loin du Stade de France.
Pour continuer avec le côté révolutionnaire, Paris 2024 a depuis dévoilé ses mascottes. Contrairement à une tradition mise en place depuis 1972, le comité d’organisation n’a pas choisi un petit animal pour représenter l’organisation parisienne. Ce sont les Phryges qui ont été sélectionnées. Un choix curieux pour un étranger mais dans le ton de ce que souhaitent les responsables de Paris 2024. Les Phryges s’inspirent d’un vêtement, symbole de liberté, présent dans notre histoire depuis des siècles, et qui est apparu dès l’Antiquité. Présent sur des drapeaux d’Amérique latine avant d’être popularisé par les révolutionnaires français, le bonnet phrygien est aujourd’hui bien connu de l’imaginaire populaire français. Symbole révolutionnaire, de la République et de liberté, le bonnet phrygien coiffe Marianne dans nos mairies ou sur nos timbres. Nos Archives nationales révèlent des traces de Phryges bâtisseuses dès 1163 sur le chantier de la cathédrale Notre-Dame de Paris.
Des Jeux durables
Face au plus grand défide l’humanité, aux enjeux environnementaux et sociétaux de notre siècle, le monde du sport se devait de prendre sa part de responsabilité. En réduisant de moitié les émissions liées à l’organisation des Jeux et en compensant encore plus d’émissions de CO2 que celles qu’ils vont émettre, les Jeux Olympiques de Paris 2024 seronts inédits et durables. Parce que les Jeux invitent à voir plus grand et plus loin, l’organisation parisienne doit participer à l’accélération de la transition écologique dans le sport, les territoires et les grands événements. C’est pour cela que la ville de Paris va mettre en place un réseau cyclable de 60 km de long qui permettra de relier tous les sites de compétition. Toutes ces pistes seront aménagées avec une signalétique dédiée. Aux abords des sites olympiques, elles seront parées des pictogrammes et des couleurs de Paris 2024. Ces grands axes olympiques seront conservés en héritage après l’événement et entreront dans le quotidien des Parisiennes et des Parisiens.
Ces pistes et les nombreuses autres innovations font toutes partie de la transformation de Paris qui, dans un an, ne sera pas seulement le théâtre d’un événement sportif, mais également d’une expérience pour chacun – athlètes, spectateurs, habitants et téléspectateurs du monde entier.
Il s’agit d’une version éditée d’un article initialement publié dans la Revue Olympique.